Tout comprendre à la rémunération de l’épargne réglementée

Tout comprendre à la rémunération de l’épargne réglementée

Pourquoi l’épargne réglementée séduit encore les Français ?

Face aux incertitudes économiques et aux marchés financiers parfois volatils, l’épargne réglementée continue de faire figure de valeur refuge. Livret A, LDDS, LEP… Ces produits ont en commun une sécurité maximale, une disponibilité immédiate des fonds, et surtout, une rémunération fixée ou encadrée par l’État. Mais comment ces taux sont-ils déterminés ? Pourquoi varient-ils ? Et sont-ils vraiment intéressants face à l’inflation ? C’est ce que nous allons voir ensemble.

Qu’est-ce que l’épargne réglementée ?

L’épargne réglementée regroupe plusieurs produits proposés par les banques françaises, mais dont les conditions (taux, plafonds, fiscalité) sont définies par l’État. Cela signifie que, quelle que soit la banque choisie, le fonctionnement et la rémunération de ces produits seront identiques. Leur popularité s’explique notamment par leur sécurité : le capital est garanti, les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, et les fonds restent disponibles à tout moment.

Les principaux livrets réglementés en 2024 sont :

  • Le Livret A
  • Le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS)
  • Le Livret d’Épargne Populaire (LEP)
  • Le Livret Jeune (réservé aux 12/25 ans)
  • Le Plan d’Épargne Logement (PEL) et le Compte Épargne Logement (CEL)

Mais venons-en à la question clé : comment sont décidés les taux de rémunération de ces produits ?

Qui fixe les taux ? La Banque de France et le ministère de l’Économie en tandem

Chaque année, les épargnants attendent avec impatience l’annonce du taux du Livret A. Ces taux peuvent être révisés deux fois par an, en janvier et en juillet. C’est la Banque de France qui propose un nouveau taux en fonction d’une formule, mais c’est le ministère de l’Économie qui a le dernier mot.

La formule officielle tient compte :

  • De la moyenne semestrielle de l’inflation (indice des prix hors tabac)
  • De la moyenne semestrielle des taux interbancaires à court terme (plus précisément, le taux €STR)

La formule théorique prévoit donc :

Taux du Livret A = max[(inflation + taux interbancaire) / 2, inflation]

Mais ce n’est pas aussi automatique qu’il n’y paraît. Le ministère peut décider de déroger à la formule “dans l’intérêt économique général”. Voilà pourquoi, ces dernières années, on a vu des taux théoriques à 4 % qui n’ont finalement pas été appliqués.

Zoom sur les taux actuels

À l’heure où j’écris ces lignes (printemps 2024), voici les rémunérations en vigueur :

  • Livret A : 3,00 % net
  • LDDS : 3,00 % net (identique au Livret A)
  • LEP : 6,00 % net (réservé aux ménages modestes)
  • Livret Jeune : minimum 3,00 % net (jusqu’à 4 ou 5 % selon les banques)
  • PEL : 2,00 % brut (1,4 % net après prélèvements sociaux)

À noter : seul le LEP suit une formule spécifique plus directement indexée sur l’inflation, mais avec un ajustement semestriel également. Il offre une meilleure protection contre la baisse du pouvoir d’achat, d’où son succès croissant ces derniers mois.

Intérêts simples, intérêts composés : comment sont calculés vos gains ?

Sur les livrets comme le Livret A, les intérêts sont calculés le 1er et le 16 de chaque mois, selon la règle dite “des quinzaines”. Cela signifie qu’il faut déposer son argent avant le 15 ou le 30 du mois pour qu’il commence à produire des intérêts dès la quinzaine suivante.

Les intérêts sont capitalisés une fois par an, au 31 décembre. Ils viennent s’ajouter au capital et produisent à leur tour des intérêts l’année suivante. C’est ce que l’on appelle les intérêts composés. C’est discret, mais sur plusieurs années, cela change tout.

Exemple concret :

Vous placez 10 000 € sur un Livret A à 3 % pour 5 ans, sans nouveaux versements. En comptant la capitalisation annuelle, vous obtiendrez environ 1 600 € d’intérêts au terme de la période. Un chiffre bien supérieur à 3 % x 5 = 15 %, soit 1 500 €, car les intérêts composés font la différence.

Face à l’inflation : un rendement réel souvent négatif

Un produit d’épargne ne se juge pas seulement à son taux nominal. Ce qui compte vraiment, c’est ce qu’on appelle le “rendement réel”, c’est-à-dire le taux moins l’inflation.

Si le Livret A est à 3 % mais que l’inflation est à 5 %, vous perdez en réalité du pouvoir d’achat. C’est pourquoi de nombreux épargnants se tournent vers le LEP lorsqu’ils y ont droit.

Petite anecdote : En 2023, plus de 10 millions de Français étaient éligibles au LEP, mais à peine la moitié d’entre eux en disposait. Un manque à gagner réel, parfois de plusieurs centaines d’euros par an, tout simplement parce que le produit est encore méconnu ou mal conseillé.

Pourquoi les taux ne suivent-ils pas automatiquement l’inflation ?

Si tous les taux des livrets réglementés étaient strictement indexés sur l’inflation, cela compliquerait la gestion des finances publiques. L’argent placé sur ces livrets est utilisé pour financer notamment le logement social, et une hausse rapide des taux pourrait fragiliser les modèles économiques en place.

C’est pourquoi l’État conserve une marge de manœuvre et peut geler ou modérer la hausse des taux. En contrepartie, il conserve une fiscalité très avantageuse pour ces produits et garantit leur sécurité totale. L’arbitrage n’est donc pas uniquement économique, mais aussi politique et social.

Que faire si la rémunération ne vous suffit plus ?

Si vous avez atteint le plafond de vos livrets réglementés ou que vous cherchez à dynamiser votre épargne à moyen ou long terme, plusieurs options s’offrent à vous :

  • Les livrets bancaires non réglementés : souvent plus rémunérateurs en offre de bienvenue (jusqu’à 5 ou 6 %), mais les taux chutent ensuite fortement. Et les intérêts sont fiscalisés.
  • L’assurance-vie : en fonds euros pour de la sécurité, ou en unité de compte pour aller chercher du rendement, adaptée aux projets sur plusieurs années.
  • Le Plan Épargne Retraite (PER) : très avantageux fiscalement, mais avec blocage des fonds jusqu’à la retraite (sauf cas exceptionnels).
  • La Bourse, en direct ou via un PEA : réservée aux épargnants plus avertis, mais possibilité d’atteindre 5 à 8 % par an à long terme.

Ce qu’il faut retenir

L’épargne réglementée est un pilier de la stratégie financière de nombreux Français. Elle reste irremplaçable pour placer un fonds de sécurité, protéger son capital et bénéficier d’une grande flexibilité. Cela dit, ses taux de rémunération, bien que garantis et défiscalisés, peuvent être en décalage avec la réalité de l’inflation.

Comprendre la logique derrière ces taux – leur mode de calcul, leur fréquence de révision, et le rôle de l’État – vous permet de faire des choix éclairés. Et peut-être l’étincelle qu’il vous manquait pour enfin ouvrir ce LEP si vous y avez droit, ou pour réajuster votre patrimoine vers des placements plus cohérents avec vos objectifs de vie.

Et vous, connaissez-vous votre rendement réel ? Une petite vérification aujourd’hui pourrait bien vous faire gagner plus que vous ne l’imaginez demain.